De la neige au sable

Le temps se gâtait, l’étang de Berral s’était couvert d’une légère brume qui s’étendait désormais vers Mérulik depuis Fuisserage. Le temps de la jeunesse, le temps des premiers espoirs, des premiers rires, des premières question existentielles auxquelles y répondaient des réponses pas moins existentielles. Le bon vieux temps somme toute. Révolu à jamais. La guerre était passée par là et s’était emparée de milliers de cœurs purs et innocents, et de milliers d’autres aussi qui l’étaient plus ou moins. Brin de nostalgie.

La druide s’était étendue sur les berges de l’étang et se délassait les pieds las de sa longue marche depuis les montagnes dans l’onde. Le climat était ici bien plus clément, elle se le rappelait maintenant. Et tournant la tête vers l’Est elle se remémora que plus loin encore l’air était sec et le sol friable. Le sable, la mer. Cela existait-il encore ? La druide n’avait œuvré que trop durement ces derniers temps, ne prenant plus le temps de s’attarder dans les lieux s’apparentant aux souvenirs de sa toute jeune existence. Seule les quêtes l’avaient ramenée vers Berral et ses environs. Les perles, les grenouilles.. Le fameux calice qui avait elle pensé en un sourire se révélerait peut-être être le Saint Graal, nostalgie encore d’un temps révolu. Silence.

Rajustant sa cape sur ses épaules, elle sentit un froid d’acier la pénétrer, et tandis que ses mains délaissaient le haut de son corsage elle soupira. Celles ci aussi s’étaient assoupies depuis trop longtemps. Sortant à ses yeux deux dagues de son habit, elle sourit mélancoliquement. Mes sœurs.. "Et mon frère ?", ne put s’empêcher de rétorquer son moi intérieur. Oui son frère fronça t’elle les sourcils, cela faisait désormais une trotte qu’elle lui avait promis de lui rendre visite en sa nouvelle demeure. D’après ses souvenirs d’ailleurs elle se situait non loin de là, pourquoi ne pas pousser ses pas jusque là ? Remettant ses précieuses dans son corsage, elle soupira tandis que ses mains prenaient appui sur les mottes de terre la soulevant peu à peu de sa chaise terrestre. En avant, sourit-elle sans prendre le temps de réellement décider de quelle direction prendre. La lassitude la gagnait pour tous ses actes, et cela même pour les moindres, se détourner de sa route et de ses habitudes de vieille mégère étant devenu pour elle source de torture. Disparaissant dans la brume en un revers de cape, elle s’élança, enfin tout du moins se dirigea vers le nord. Vers la demeure des Pax Animus Corpus.

Collines et cours d’eau avaient été traversé, combien au juste elle ne le savait plus. Détail insignifiant dans un voyage fatiguant au cœur des terres bleues. Aucune escarmouche n’était venue troubler son passage et elle s’en félicitait intérieurement, Ishitara n’aurait guère apprécié que des bleus eussent perdu la vie par sa seule faute. L’auberge de taille modeste lui apparaissait désormais, elle s’était assurée au préalable auprès d’un badaud du coin que c’était bien là la demeure des PAC essayant du mieux qu’elle pouvait de réprimer son accent de l’Ouest, celui ci ayant répondu par l’affirmative, elle marchait d’un pas assuré vers le seuil de la demeure.

S’agissait-il maintenant d’annoncer d’ores et déjà la couleur, ou fallait-il tout simplement demander directement son frère sans mentionner ni son blason ni son identité.. Sourire, tout bonnement sourire, cela ferait le reste. Tout de même se surprit elle à sourire elle comptait un peu trop sur son prétendu charisme. "Oh puis..", rejetant ses interrogations insignifiantes d’un revers de la main, elle frappa quelques coups à la porte d’entrée de l’auberge.

Le vent faisait se courber les hautes branches des arbres. Chassées par les bourrasques, les feuilles mortes volaient en tous sens accompagnées de poussière, l'ensemble formant un nuage à hauteur d'homme.

Ignorant cette nature capricieuse, un homme, dont les traits du visage donnaient environ 25 ans, était assis contre un des nombreux arbres de l'endroit. Recroquevillés, ses membres faisaient en sorte de préserver la chaleur de son corps, lui même enroulé dans une large cape couleur terre. Seule la tête du jeune inconnu ne cherchait pas la protection de cette cape, se laissant gifler par le souffle glacial qui faisait claquer le tissus de sa capuche. Il semblait méditer.


Les dernières fourmis regagnent leur abri souterrain... Un oiseau a cessé de réparer son nid...Deux.
Le sol ne fait plus résonner les pas d'aucun animal mais la vie grouille en dessous. D'innombrables insectes. Toute sorte de mammifères blottis les uns contre les autres. Dans ce terrier une hase léchait le minuscule lièvre qu'elle venait de mettre au monde.
Le sol résonne.
Le sol n'est plus désert.
Ce pas est délicat, il se confondrait avec ceux de la faune en temps normal. Ce pas appartient à la nature, mais il est humain.


Le mystérieux personnage sembla sortir brusquement de son état second, ouvrant des yeux marqués par la fatigue et scrutant les ombres de la forêt.

Elle est ici, là bas. Les êtres de la nature vibrent pour murmurer son nom. Tous sont apaisés maintenant.

"Montrez moi le chemin..." ses mots se perdirent, éparpillés par le vent.


Un bref dégagement dans le ciel laissa filtrer un rayon du soleil, arrachant à la pénombre la forme pointue des oreilles auparavant dissimulées.
L'elfe se leva, ferma le yeux quelques secondes durant... puis s'élança dans une course dont la destination ne laissait nul doute: il rentrait chez lui, chez les PAC. Il y serait dans quelques minutes mais son esprit était déjà là bas, focalisé vers Celle qui faisait de nouveau naitre un sourire sur ses lèvres.

*Rhoooonnnnn Pichhhhhhhh Rhonnnnnnnnn Pichhhhhhhhh*

Confortablement avachi dans un fauteuil moelleux,Mass,tablier rose à dentelles à la taille et chaussettes multicolores au pieds piquait un somme bien mérité depuis plusieurs minutes.
La taverne,éclairée uniquement par la danse des flammes de la cheminée,vivait au seul rythme des ronflements de l'homme assoupi,ses autres habitants étant,soit à l'extérieur,soit en train de jouir des délices de leur chambre,parfumée à la lavande,et située à l'étage de la modeste bâtisse.

- *Snif Snif* Mais...ça ne sentirait pas le cramé là...diable,mais si,je je ne rêve pas il y a bien quelque chose qui crame ... Bigre,mes biscuits ! J'ai oublié mes biscuits !

Se redressant alors subitement et envoyant par la même occasion le chat alors roulé en boule sur son ventre,voler dans les airs,l'homme se rua dans la cuisine où l'odeur se faisait plus agressive.D'un geste il ouvrit le fourneau et en retira vingts petits dômes charbonnés.

- Non d'une pastèque cubique,mais quel imbécile je fais ! Tout ce travail,toute cette minutie,toute cette bonne volonté pour rien,que nenni ! Moi qui avait prévenu les autres de la surprise qui les attendait,je suis dans de beaux draps maintenant...Allé hop,poubelle...! Ou alors non,peut-être que ce bon Mistigri en voudra,s'il ne s'est pas cassé le cou après le vol plané que je lui ais fait faire...J'suis vraiment une plaie en ce moment...j'fais tout de travers non d'un crottin lunaire...

Quelques coups donnés à la porte le firent sortir de son monologue.Il lâcha le plateau et traversa la taverne en jurant,pensant qu'encore une mauvaise nouvelle allait pointer le bout de son nez.
Il ouvrit lentement la porte qui grinça à loisir,se figea et dévisagea l'individu avant de s'exclamer :

- Grumpy ! Quelle joie de te voir dans les parages ! Tu tombe à..humm comment dire...à pic,bien sûr ! Entre donc,le vent fouette les airs avec ardeur aujourd'hui,tu seras bien mieux près du feu,à l'intérieur.

Mass invita la druide à rentrer,ferma rapidement la porte et l'installa dans le fauteuil encore chaud,dans lequel Mistigri,sain et sauf,avait déjà élu à nouveau domicile et qu'il fit déguerpir d'un seul regard.

- Ne bouge pas,je vais t'apporter de quoi te restaurer,tu dois avoir une p'tite faim,à n'en pas douter !

Mass fonça en cuisine et se mit à fouiller les placards,espérant dénicher quoi que ce soit qui serait apte à revigorer l'hôte et son estomac.Cependant,la malchance ne le lâchant pas d'une semelle l'homme ne trouva rien,à part un rat crevé et un reste de gigot qu'il aurait été irrévérencieux de présenter à l'invité inattendue.

- Bon je n'ai pas le choix...

Il attrapa un de ses biscuits noirâtre qu'il déposa dans une assiette de porcelaine et qu'il servit encore chaud à Grumpy.Se mordant les lèvres il s'assit sur un tabouret et commença à getter sa réaction du coin de l'oeil,qui ne devait plus se faire longue...

Ses pieds se tortillaient sur la paillasse herbeuse qui faisait sans doute office de frotte-papattes, On y était. Et tandis qu’elle jouait naïvement avec ses doigts attendant avec toute la patience qu’un ours en dispose, la porte ne tarda pas à s’ouvrir. Alors qu’elle s’apprêtait tout sourire à sauter au cou de son benêt de frangin, ses bras à force de moulinets comme criant « Arrière toute » la retinrent dans son élan. C’était Mass qui se tenait là accoutré comme à l’accoutumé par le plus grand tailleur que ces terres n’eussent jamais connu, reluquant d’un regard envieux sa paire de bas, elle se contenta de lui adresser un hochement de tête à son invitation et bientôt elle se trouva les fesses bien calées dans un fauteuil visiblement plus qu’utilisé.. Et cela au vu des poils qui semblaient vouloir lui offrir un nouveau revêtement.

Se grattant innocemment le cuir chevelu elle ne pût s’empêcher de persifler qu’elle ne souhaitait pas repartir d’ici avec quelques milliers d’habitants dans ses affaires, Valérias n’apprécierait guère ce témoignage d’affection. L’aubergiste se montrait déjà en effet quelque peu récalcitrant quand la druide se montrait sous son apparence de plantigrade, son chapeau comme vissé à sa tête pelucheuse, et qu’elle secouait goguenarde la patte au seuil de l’auberge pour saluer les occupants de la taverne. Un sourire s’afficha sur son visage au souvenir de quelques histoires cocasses où des lointains voyageurs s’étaient signés de la croix avant de traverser la fenêtre de leur propre initiative pour se sauver dans les bois avoisinants. Ce à quoi elle avait rétorqué à l’aubergiste qui déjà la foudroyait du regard qu’il fallait vraiment être sot pour croire qu’un ours leur signalerait sa présence avant de les lapider. Ces étrangers étaient décidément bien amusants, d’ailleurs d’ici quelques jours une escorte trouverait domicile en l’Auberge, il s’agissait de leur préparer une soirée mémorable..

"Ouioui j’ai les crocs! " acquiesça t’elle au Franc-tireur qui s’était déjà volatilisé en un tourbillon de dentelles roses. Alors qu’elle observait la pièce d’un regard intéressé, ses yeux se posèrent sur le matou qui lui aussi la fixait visiblement blessé que l’on lui ait subtilisé la place au profit d’un félin de plus grosse taille. L’aguichant de sa main droite elle lui donna du « Minou, Minou.. » en vain, son frère de sang était visiblement rancunier, grimaçant elle entreprit de modifier quelques éléments de son apparence afin d’intéresser le vilain animal. De ci de là des griffes, oreilles, ou moustaches apparaissaient.. Peine perdue ce chat était décidément doté du sal caractère des exilés, rancunier à souhait il ne pouvait supporter que sa fierté en eut pris quelque coups. Lui tirant la langue, elle sifflota tandis qu’une longue excroissance pelucheuse sortit de sa cape pour se diriger en rampant vers l’animal. Jouant de sa langue, elle remuait sa queue espérant que le matou se prendrait au jeu. Vain espoir, ce dernier la fixait d’un œil perplexe et désintéressé. Rageant elle s’apprêtait à lui assener un bon coup quand l’archer fit son retour, une assiette à la main.

Faisant de si tôt se dissiper ses atours de félin, elle passa sa langue sur ses lèvres faisant disparaître du même coup les dernières moustaches récalcitrantes et tendit une main suppliante vers la nourriture. Tentant d’amadouer la bectance d’une danse appuyée des sourcils elle soupirait d’extase. Quoique.. Son ballet se figea, elle tiquait sur la couleur étrangement foncée de ce que l’on venait de lui servir, relevant la tête elle adressa à Mass un sourire rieur avant de lui demander d’une voix suave s’il pouvait aussi lui apporter de quoi se désaltérer du fait de sa longue marche. Jetant un regard furtif à sa gauche, elle reporta rapidement son regard vers l’archer qui perplexe se levait déjà. Alors qu’il se tournait visiblement ennuyé, elle s’empara du matou, lui ouvrit la gueule après quelques pressions au coin de ses moustaches et lui enfourna l’espèce de sablé calciné qu’on avait tenté de lui servir. Maintenant ses mains autour de la tête de l’animal elle affermit, détendit la pression infligée afin d’imiter à la perfection un mouvement de mâchage. Le matou s’évertuait à se libérer de l’emprise de la druide mais soudain ce premier se figea après avoir couiné. "Et une dent de moins vil’bestiole !" Elle repoussa l’animal qui après s’être empêtré les pattes dans le tapis, encore las de son effort vain, partit se tapir après quelques feulements rageurs sous un meuble.

D’une voix innocente elle héla Mass qui n’avait pas fait plus de quelques pas, "Il n’a pas l’air commode ce chat, penses-tu que je pourrais le caresser sans risquer de me faire mordre ? ". "Victoire par forfait de l’adversaire! " se dit-elle en se dandinant ivre de fierté dans son fauteuil.

Quelques minutes de course effrénée, quelques chutes mémorables et une dizaine d'échardes plus tard, le "jeune" archer parvint à destination.
Le vent n'avait pas faiblit depuis son départ précipité. Il était temps qu'il arrive, sa soeur était déjà devant la porte.
Restant caché derrière un arbre, il s'assura d'être présentable avant de se montrer. Ses magnifiques bottes d'un vert fluo exquis, , cadeau de sa douce, étaient toutes crottées.. cela se voyait trop pour qu'il ne l'arrange pas tout de suite, ce qu'il entreprit de faire.

Il jeta un regard vers le seuil de l'auberge pour s'assurer qu'il était dans les temps. Mass venait d'ouvrir, moment idéal pour marcher vers eux et entamer une discussion!
S'avançant d'un pas décidé, il s'apprêta à héler ses compagnons lorsque quelqu'un le retint en lui agrippant la chemise, ou plutôt quelque chose... Dans son empressement, un pan de tissus avait "enlacé" l'arbre le plus proche et était à présent loin d'être décidé à le lâcher.

Après deux trois jurons adressés au dieu des arbres (pour peu qu'il ait existé), Ishitara se dépatouilla et finit par se sortir de cette nouvelle épreuve, éprouvante à souhait. Se tournant de nouveau vers son objectif premier, il constata avec amertume que la porte était déjà close et que son entrée fracassante était à revoir.

"Manquait plus que ça.. le bougre va en profiter pour draguer ma soeur! Je suis sûr qu'elle est assez tordue pour aimer les hommes en porte-jarretelles en plus... Le temps presse."

Résolution prise et conviction renforcée, l'elfe (demi elfe en réalité mais chut ça fait plus classe!) s'approcha de la porte, n'ayant jamais été si résolu de l'ouvrir. Un détail anodin attira tout de même son attention, quelques secondes avant qu'il ne pose la main sur la poignée de ladite porte... ne serais ce pas un chat qui venait de cracher cette étrange mixture noirâtre sur ses belles bottes (vertes fluo)?
En effet, un chat était en train de dégobiller, pardon, de vomir avec élégance le contenu de son estomac après être sorti comme une flèche par une des fenêtres de l'auberge. Autant vous dire qu'à se stade là et malgré sa patience légendaire, le jeune elfe (j'ai dit elfe! oubliez l'histoire de demi ça fait pas sérieux après) dû apposer avec violence les mains sur sa bouche pour réprimer toutes les paroles d'amour qu'il réservait au petit matou agonisant à ses pieds.

- "Rogue c'est toi?"
- [pas de réponse]
- "Dommage mon gros, ta mère aurait dû t'apprendre à parler comme Rogue, ça t'aurait sauvé la mise pour le coup..."

Sur ces mots, dits avec calme, il plongea sa main dans sa besace et en sortit un morceau de viande d'ours à moitié sec, qu'il badigeonna avec quelques gouttes d'un flacon suspect obtenu auprès d'un poissonnier en échange d'une mèche de cheveux (il ne se souvenait d'ailleurs plus quelle était l'utilité de cette mystérieuse bouteille verte mais il n'allait pas tarder à en connaitre les effets).
Il lâcha malencontreusement la pièce de viande sous le nez du chat, lequel s'empressa de la dévorer. Observant la dévotion que cet animal semblait porter à ce repas, l'archer ne pu que se demander s'il n'avait pas un mauvais goût à faire passer. Curieuse bête.

Changeant de mine, le félin se raidit. "Parfait, ça sera plus pratique comme ça."
S'en servant comme d'une brosse à cirer, Ishitara nettoya avec vitesse ses magnifiques chaussures (vertes fluo *_*), puis se releva, satisfait du résultat. Il se débarrassa du matou qui semblait reprendre vie peu à peu, tout en notant dans son journal des quêtes de ne faire boire la mixture à personne, qui que soit le destinataire.


Époussetant une dernière fois ses vêtements, il entra enfin dans sa demeure.

Eloca faisait les lits à l'étage et avait laissé la cuisine aux bons soins de Mass. L'auberge, de nature quelque peu magique, s'agrandissait au fur et à mesure que de nouveaux habitants arrivaient, et des chambres en plus apparaissaient d'elles-mêmes. Le secret de la construction de ce bâtiment, Eloca ne le connaissait pas, c'était sa vieille amie Chtibibi qui avait construit celle des Rebels, et sa baguette dorée, qu'Eloca possédait encore, était celle qui semblait donner son essence aux murs de l'auberge.

Malheureusement, les nouvelles chambres n'apparaissaient pas meublées, et le seul charpentier de la ville des PAC avait sans cesse du travail. Maintenant qu'il avait compris, il tenait toujours un lit et un table de nuit prêts au cas où Eloca viendrait en réclamer. Dernièrement, une tonne de nouvelles chambres s'étaient rajoutées. De nouvelles alliances, avec des ambassadeurs qui venaient assez souvent, une fusion avec des nouveaux membres qui n'avaient pas encore choisi leur arbre dans la forêt pour y construire leur cabane... Il y avait du boulot.

Elle entendit frapper à la porte en bas, puis un miaulement aigu. Mass avait dû s'endormir sur son chat. Encore une fois. Pas étonnant. Elle lissa le coin d'un drap du plat de la main et déposa des serviettes dans l'armoire, avant de déposer une fleur de lavande sur le coussin du lit de la chambre qu'elle venait de terminer. Elle allait enfin pouvoir se reposer. Mass avait préparé des petits gâteaux, elle avait hâte de les goûter. Elle se dirigea vers les escaliers mais eut soudain un doute. Avait-elle changé l'eau des fleurs dans les chambres préparées la veille? Ne supportant pas le fait ne pas être certaine d'un détail si important, elle retourna en arrière et vérifia les pots de fleurs de chaque chambre, l'une après l'autre, en profitant pour enlever quelques pétales qui étaient tombés et arranger les bouquets en enlevant les fleurs fanées. Heureusement, elle avait bien pensé à l'eau pour chacun des pots. Espèce de maniaque, aurait dit l'autre qui ne savait plus qui il était.

Quand elle eut bien vérifié toutes les chambres, elle se laissa enfin aller et... dévala les escaliers tête la première. La déconcentration spontanée, c'était pas vraiment son truc.

- Aouch ma tête!

Assise en tailleur, les mains sur la tête et une grimace de douleur accrochée au visage, on aurait pu la prendre pour une enfant. Elle s'en rendit compte et se releva rapidement, épousseta ses habits et courut en cuisine chercher des glaçons pour sa bosse. Une étrange odeur avait envahi les lieux... Gâteaux... brûlé...

- MAAAAASS! Qu'est-ce que tu as fait!? C'est quoi ce bazar? C'est QUOI cette odeur?!

Elle sortit en furie, un glaçon sur la tête et un plateau de gâteaux carbonisés en main, et stoppa net en s’apercevant de la présence d'une visiteuse. Elle reconnut Grumpy, la druide royaliste.

*C'est bien ma veine. J'ai jamais été aussi ridicule que le jour où l'on reçoit la soeur d'Ishitara...*

La jeune baronne déposa le plateau sur le bar délicatement, lança au passage un regard noir à Mass, qui avait toute une grande signification. *Toi tu va avoir des ennuis... Le bazar dans ma cuisine, comment as-tu osé... J'ai faim, au fait.* Puis elle se dirigea vers Grumpy, son glaçon toujours en main... enfin, sur la tête.

- Bonjour Grumpy! Ravie de te voir ici! Sois la bienvenue.

Elle s'assit aux côtés de la druide et lui assura qu'Ishitara allait bientôt arriver. Elle eut de la chance pour la première fois de la journée et la porte s'ouvrit à ce moment-là.

- Ah bah tiens le voilà!

Se retournant vers Mass avec son regard noir, elle s'adressa au malheureux.

- Viens t’asseoir toi. Et ne t'avise pas de retoucher à ma cuisine pour faire des bêtises pareilles... Je vais vous préparer quelque chose à manger.

Elle se leva précipitamment et se dirigea de nouveau en cuisine, où elle ouvrit un placard fermé à clé afin que les PAC évitent de tout dévaliser dans la cuisine. Comment diriger une auberge si les hommes venaient piller dans la cuisine... Elle piocha dans la réserve et ramena des petits gâteaux au beurre et quatre verres de lait auprès de l'invitée et des deux chevaliers.

- Je n'ai malheureusement pas grand chose à vous servir étant donné que les réserves de nourriture disparaissent dès que je tourne le dos... Impossible de mettre de l'ordre dans cette maisonnée...

L'elfe tira une table et s'assit sur un fauteuil, avant de s'apercevoir qu'elle avait toujours son glaçon sur la tête. Mais plus dans la main.

Les hommes en bleu l’étonneraient toujours, m’enfin sans causer de peinture de blason on aurait pu en dire tout autant sur les hommes en général. Le franc-tireur comme soudainement attaqué par une horde de lutins sanguinaires s’ébrouait de tout côté tout en marmonnant et jurant des propos que la druide même en fronçant les sourcils et louchant quelque peu ne purent déchiffrer. Et Dull savait ô combien elle était callée en grimaces diverses et variées. Concluant que l’homme délirait tout simplement elle fureta du regard dans la pièce à l’idée de se mettre quelque chose sous le croc, quelque chose qui bien entendu ne sentirait ni le cramé ni ne paraitrait sorti d’on ne sait quel trou à rat.

La druide patientait toujours dans son fauteuil quand le visage d’Eloca apparut dans l’embrasure de la porte qui visiblement gardait ce qui leur servait de remise ou cuisine aux dires de ce qu’elle avait failli avaler quelques instants plus tôt et qui s’était retrouvé bien fâcheusement dans le bidon de ce maudit chat. Souriant à la nouvelle venue, elle tenta une quelconque formule de politesse pour finalement s’abstenir et continuer à caresser l’étoffe de son siège. A l’auberge elle ne pouvait se permettre en effet de s’attarder mollement sur le luxueux siège qui trônait dans sa chambre, enfin dans leurs chambre. La jeune femme faisait en effet couche commune avec une aquamancienne, et vu les cris que poussaient la vieille mégère à chacune des fois où la druide pensait enfin s’accorder un repos bien mérité parmi les coussins finement ouvragés du vaste fauteuil, il ne faisait pas bon s’attarder dans les parages. Il s’agissait donc de profiter de celui ci, et au diable la politesse, les fesses bien calées, elle se contenta donc de saluer d’un signe discret de la main l’archère.


Ishitara avait fait son apparition entre temps tandis que Mass et la baronne semblaient visiblement partis dans une de leurs quotidiennes joutes verbales. Souriant au fait que dans toutes les maisons, tous ont leurs même petites habitudes, elle fixa du regard son frère essayant vainement de lui demander s’il était dangereux voire pire.. Incommodant de rester dans les parages quand les deux phénomènes se donnaient autant de noms d’oiseaux. Grimaçant au vue de la réponse incompréhensible que lui apportaient les traits de l’archer, elle se cala de nouveau dans le fauteuil. Sans doute parviendrait-elle à s’y cacher entièrement vu la force qu’elle mettait sans cesse à toujours vouloir plus s’y fondre comme si le mobilier en traitre pourrait venir à disparaitre en un clin d’œil sous ses yeux ébahis.

Le flot de parole s’était visiblement tari, Eloca était en effet partie en cuisine de ce qu’elle comprit en apercevant les deux hommes qui désormais prenaient place autour d’une petite table. La voilà qui allait devoir se mouvoir.. Ni une ni deux prenant son courage à deux mains, elle les rejoignit tandis que ses fesses criaient à l’injustice de se voir ainsi lésées d’un si moelleux réceptacle pour venir être si négligemment posées sur la paillasse d’une vulgaire chaise. Ignorant ces dernières, elle se saisit, comme la politesse le voulait, en première de ce qu’Eloca rapportait de cuisine, à vue de nez et d’œil il s’agissait de petit beurre. Afin de répondre à cette question pas moins qu’existentielle elle en enfourna un dans sa bouche tout en regrettant de ne pas apercevoir de matou dans les parages. En cas de force majeure cela aurait pu se révéler plus qu’utile.

Le silence s’était installé bien calé, là, entre le plat de petits fours et le napperon, et seuls des bruits de mastication venaient le troubler de temps à autre.

« Et sinon du nouveau de par chez vous? Temps au beau fixe n’est-ce pas ? »

Questions bateau certes, mais il n’était guère futé de laisser des esprits d’exilés vagabonder surtout quand les dits esprits étaient en supériorité numérique et qu’ils se trouvaient en présence d’un ennemi. Accompagnant ses interrogations qui n’attendaient pas réellement de réponses d’un large sourire, elle entreprit un nouveau tour de passe-passe qui déboucha sur la disparition d’un autre petit beurre.